Grand débat et gros malaise

par | 15 Jan 2019

Anthony CASANOVA est politiquement correct

Aux dernières élections présidentielles, les Français avaient le choix entre 2 candidats d’extrême gauche (Arthaud, Poutou), 2 candidats de gauche (Mélenchon, Hamon), 3 candidats de droite (Macron, Fillon, Lassale), 2 candidats d’extrême droite (Le Pen, Dupont-Aignan) et 2 candidats conspirationnistes (Cheminade, Asselineau). Parmi tous ces candidats, 2 sont passés par des primaires ouvertes les opposants respectivement à 6 concurrents. Malgré ce large choix, 10 578 455 électeurs ne se sont pas rendus aux urnes, et 949 334 personnes ont glissé un bulletin nul ou blanc.

Bien que cela fasse de la peine à certains, nous sommes toujours en démocratie, ce qui signifie, qu’au final, c’est la personnalité politique ayant reçu le plus de voix qui est élu. Rappelons aussi qu’en France, on vote souvent, voire trop souvent si l’on n’en croit ceux qui en concluent que ces votes successifs sont responsables du fort taux d’abstention.

Depuis que nos ronds-points sont devenus le centre du monde, il se dit qu’on ne débat pas assez ou que les politiques n’écoutent pas assez le peuple. Ainsi, le référendum d’initiative populaire (RIC) semble être la solution de ceux qui n’ont pas d’idées. Le problème n’est pas de supposer que les gens sont trop cons pour savoir ce qu’ils veulent, mais d’admettre que le peuple n’est pas omniscient. Penser que le peuple a toujours raison ou imaginer qu’il a toujours tort, est tout aussi dangereux. Le peuple s’exprime en votant, et c’est à ses représentants de gérer la société d’aujourd’hui ou de définir celle de demain. Des représentants qui, rappelons-le, font partie du peuple.

Comme l’a écrit Emmanuel Macron, dans une lettre qui fera date dans l’histoire des boulettes en papier, les Français vont pouvoir débattre de tout (hormis de l’ISF). Et quand on dit tout, c’est sans omettre le n’importe quoi. Toutes les névroses, toutes les frustrations, toutes les aberrations pourront avoir leur moment de honte sur la place publique puisque le mariage pour tous, l’abolition de la peine de mort et le droit à l’IVG vont pouvoir revenir sur la table sans que le PCF, la FI, LREM, et RN/FN n’y voient d’objection.

Débattre cela sous-entend que le thème abordé pourrait être modifié, or il y a des avancées universalistes qui sont et doivent rester immuables. Non, on ne débat plus pour savoir si une relation homosexuelle vaut une relation hétérosexuelle. Non, on ne débat plus pour savoir si on a le droit d’assassiner une personne après un jugement. Non, on ne débat plus pour savoir si les femmes peuvent être décisionnaires de leur corps. Ces sujets ont déjà été traités, et il serait indigne de les remettre en cause. Et puis quoi encore? Se demander si le droit de vote pour les femmes est bien utile? Si l’on a raison d’être en démocratie?

Il y a des sujets dont ne serait-ce que l’idée d’en débattre est une ignominie en soi. Chaque fois que l’on essaye de résoudre une crise politique par de gros sabots démagogiques, on fragilise la démocratie. Et le peuple est toujours perdant lorsqu’il se plie devant la foule.

par Anthony Casanova

Anthony Casanova par Babouse

Par Anthony Casanova

Par Anthony Casanova

Anthony Casanova est le directeur de publication et le rédacteur en chef du journal satirique Le Coq des Bruyères.
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