La solitude est un luxe

par | 19 Mai 2020

Thierry ROCHER renvoie la censure

Après quelques semaines de vie particulière passées subsistent toujours les deux camps habituels: optimiste et pessimistes; ceux qui ont de bonnes raisons de positiver et ceux qui ont la fausse lucidité d’être négatifs. Juste un mot à titre personnel pour dire que j’ai vécu ce (premier) confinement (je dis premier… n’en déplaise aux amis de Raoult) en solitaire dans mon appartement parisien. Et derrière les lamentations collectives de gens confinés, et l’angoisse (compréhensible) de certains, je me suis rendu compte rapidement du privilège qui était le mien. Hormis le fait de ne pas affronter, en première ligne, les malades, on comprend également assez vite que derrière les images positives de la solidarité, du bien être collectif familial se cachent des failles amplifiées par le confinement et qui débouchent, on l’a constaté, sur des violences conjugales mais aussi sur des failles dans les sentiments. Généralement, les épreuves difficiles peuvent avoir des effets inverses: souder les protagonistes ou faire exploser les relations. Ne pas être seul rassure dans un premier temps; pour beaucoup avoir un écho possible à « portée de mains » est vital. Mais ce besoin de sécurité morale est souvent illusoire.
Quand je dis que la solitude est un luxe, c’est simplement pour signifier que la sérénité qu’elle peut véhiculer n’est pas facile à obtenir.  Luxe parce que c’est une force, une richesse qui protège. Le luxe de ne dépendre que de soi-même ce qui est la plus belle façon d’affronter les autres et partager avec eux le pire et le meilleur. Cette solitude qui permet, une fois le moment des inquiétudes face à l’avenir digérées, de se regarder, de s’interroger sans fuir. Et d’ailleurs, fuir pour aller où ? On parle souvent de peupler sa solitude, eh bien c’est une réalité. Avancer en maîtrisant l’entourage que l’on crée. Il va sans dire que cette tranche de vie solitaire ne se conçoit sereinement qu’en étant en bonne santé physique même si santé physique et morale ont des liens ténues. Le corps a ses défenses immunitaires, l’esprit également et on les renforce soi-même.

En fin de compte, cette solitude, décriée, c’est réussir à transformer la fragilité en force, tout simplement!

Que dire de plus, si ce n’est que la solitude permet d’apprécier les autres…peut-être parce qu’on a plus envie de se taire et de les écouter. Et si le sentiment de liberté était plus facile à apprécier sans personne autour ? En fait,  l’altruisme est plus puissant quand on s’est bien ressourcé soi-même. Alors, avant de partir j’ai envie de m’abriter derrière deux citations, ce ne sera pas Qi Shi Tsu mais Ibsen et Barbey d’Aurevilly. «l’homme le plus fort du monde entier, c’est celui qui est le plus seul.» (Barbey d’Aurevilly) et «Il y aura toujours de la solitude pour ceux qui en sont dignes» (Ibsen).

Par Thierry Rocher

Par Thierry Rocher

Thierry Rocher est un auteur, comédien, humoriste qui fait où on lui dit de ne pas faire. Vous pouvez le retrouver dans la Revue de presse des Deux Ânes sur Paris Première
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