L’aire du complot

par | 10 Sep 2019

Anthony CASANOVA est politiquement correct

Ne serions-nous pas, dès la naissance jusqu’à l’âge de la guerre des boutons voire des premières parties du jeu vidéo Fortnite, victimes du premier complot? le Père Noël. La société des adultes conspirant gentiment contre celle des marmots pour leur faire croire en un monde féerique où l’impossible, Newton et le prix des joujoux n’existent pas. Puis, comme tous les complots qui se respectent, ceux qui furent un temps grugés découvrent rapidement le pot aux roses.

Or, nous pourrions supposer que face à la désillusion des enfants s’apprêtant à bondir dans le cartésianisme, les adultes choisissent insidieusement de substituer le vieux barbu qui se pointe le 25 décembre par celui qui nous promet l’éternité. Une croyance chassant l’autre et, tels Starsky et Hutch, c’est Dieu qui gagne toujours à la fin. Mais voilà: si la croyance au Père Noël pourrait être perçue hâtivement comme une forme de complot, l’idée que l’invention du Père Noël serait une manière de préparer psychologiquement les enfants à croire en Dieu, cela relève typiquement du complotisme.

Le complotisme ou le conspirationnisme est un fléau qui, selon Rudy Reichstadt, est comparable à une drogue. Pour celles et ceux qui l’ignorent, Rudy Reichstadt est le fondateur du service de presse en ligne Conspiracy Watch dont le but est d’alerter et d’analyser les différentes théories du complot qui pullulent notamment sur le net. Depuis 2007, cet infatigable chasseur de charlatans et autres marchands de paranoïa, est devenu le spécialiste francophone de la lutte contre le conspirationnisme. Après s’être intéressé dans sa jeunesse au négationnisme, c’est l’ensemble des absurdités entendues après les attentats du 11 septembre qui décidèrent Rudy Reichstadt de travailler dans son coin sur les mécanisme du complotisme avant de créer un site qui est aujourd’hui la référence du genre. De l’ensemble de ses analyses et de ses réflexions, il en a fait la synthèse dans un essai intitulé L’Opium des imbéciles paru aux éditions Grasset. Le livre sera disponible dans toutes les bonnes librairies le 11 septembre 2019.

Certes, certaines théories comme celles affirmant que des lézards gouvernent le monde, que l’Australie n’existe pas ou encore que la Terre serait plate prêtent à rire… mais leur dénominateur commun fait frémir. Cette négation systématique du réel au profit d’une «Vérité» qui serait ailleurs ou tellement mal cachée que «bon sang mais c’est bien sûr» c’est encore un coup des Juifs, de la CIA ou des Martiens est un danger que nous aurions tort de minimiser. Car ces élucubrations sont avant tout un discours politique. L’Histoire en est témoin, c’est avec les «bonnes» théories du complot que l’on commet les plus grands génocides.

Si Rudy Reichstadt n’est jamais tendre avec les imbéciles qui consomment cette drogue, conscient de la dangerosité des conspirationnistes, ses meilleurs coups il les réserve aux salauds qui la dealent. Rudy n’oublie jamais de confronter leurs délires aux faits, au réel, au concret. Ce qui fait de son livre un modèle de déconstruction de la connerie complotiste. Ainsi, les vedettes du grand n’importe quoi que sont Soral, Chouard, Dieudonné, Meyssan, Faurisson, Ramadan, Cheminade, Asselineau… sont pris pour ceux qu’ils sont: de minables distillateurs de haine et de peur qui ne doivent leur succès qu’à la fainéantise intellectuelle de leurs lecteurs et à la lâcheté complaisante des médias qui leur ont -même brièvement- ouvert leurs portes.

Il faut saluer le travail précis, référencé et méticuleux de Rudy Reichstadt qui, en 175 pages (avec les notes), démonte, décortique et répond à toutes les questions que l’on pourrait se poser sur le complotisme. D’une écriture fluide et accessible, L’Opium des imbéciles se lit comme une enquête sur ce microcosme qui fait de l’ignorance crasse: un savoir.
Le combat de Rudy contre tous les tarés de la société peut paraître perdu d’avance ou illusoire. On peut l’imaginer en Don Quichotte ou lui prêter les mots de Cyrano «on ne se bat pas dans l’espoir du succès! Non! non, c’est bien plus beau lorsque c’est inutile» mais ce serait une erreur. Rudy Reichstadt ne souhaite pas se battre seul pour la simple et bonne raison qu’il n’a aucunement envie de perdre ce combat. Alors, il ne tient qu’à nous d’être à ses côtés.

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par Anthony Casanova

Anthony Casanova par Babouse

Par Anthony Casanova

Par Anthony Casanova

Anthony Casanova est le directeur de publication et le rédacteur en chef du journal satirique Le Coq des Bruyères.
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