Le chanteur de Droite

par | 12 Oct 2021

Tiens, cette semaine, moi qui vous cause hebdomadairement de mes petites colères et de mes fâcheries picrocholines, je vais vous épargner mes pensées sur l’actualité, vous êtes déjà bien servis sur la question. Donc, ici, pas de récrimination sur Zemmour et le Pétain circus all stars qui l’accompagne, pas de vannes sur la commission sur la pédophilie dans l’Église catholique, apostolique et romaine, pas de hurlement laïcard sur la connerie de Sonseigneur Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France et inculte en laïcité. Non, rien de tout ça, macache, walou, nib de nib, aujourd’hui, je vais vous en bailler belle sur Michel Sardou. Oui, oui, sur le chanteur de Droite himself. Dans le Coq. Même pas peur.

Bon, d’abord, un peu de contexte, c’est mieux. Parmi les peaudecastes que j’écoute régulièrement ou les émissions balado-diffusées qui me tiennent compagnie quand je crapahute dans ma belle cité ducale, il y a Blockbuster de Frédéric Sigrist, dans la collection de France Inter. J’aime bien ce truc qui parle aussi bien de jeux vidéo que de cinéma de genre ou de chanteurs à records, bref, c’est éclectique, souvent marrant, toujours intéressant, à mon humble avis. Bref, je vous le recommande si vous ne connaissez pas. Et dans le tas des émissions diffusées cet été – parce que l’été, c’est une case quotidienne – il y en avait une sur Sichel Mardou, Michel Sardou, pardon, ce qui m’a épaté, vu que c’est pas tellement le genre de la station publique généraliste, le chanteur du France et des Bals populaires, ça ne va pas vraiment avec la programmation habituelle, plutôt dédiée à Juliette Armanet ou à Eddy de Pretto, bref à la pop chiante qui pense. Mais bon, mutatis mutandis comme dirait l’autre, pourquoi pas écouter cet épisode, ça pourrait être rigolo.

Avant toute autre chose, autant le dire, Sardou, moi, ça me casse les noix. Et pas qu’un peu. C’est de la variété bien propre et bien ripolinée, rien à dire, mais putain, mort de mes os, que c’est chiant. La musique, c’est plomplon et compagnie, avec des paroles plus lourdaudes qu’une compagnie d’hippopotames qui danserait la bourrée auvergnate et moins poétiques que la rédaction d’un PV par un contractuel inculte. C’est d’un gonflant absolu. J’en parlais avec des copains y a pas plus tard que y a pas longtemps, on est bien d’accord, Sardou, ça fait partie de ma culture – merci les radios pas libres des seventies – mais je ne suis pas obligé d’aimer tout ce qui constitue ma culture, faudrait pas déconner. Et j’ajoute à ça le fait que l’artiste tire toujours une gueule de cent-pieds de long chaque fois qu’on lui colle un micro sous le pif, tiens, c’est pas dur, encore un qui rigole quand il se brûle et qui a perdu son briquet. À croire qu’il trimballe une gastro-entérite carabinée depuis plus de 40 piges, un modèle du genre.

Bref, vous l’aurez compris, Sardou, je ne suis pas fan, mais pas fan du tout. N’empêche, une émission sur lui, enfin, sur sa carrière et son succès, pourquoi pas, ne mourrons pas idiots. Et donc, je télécharge le bouzin, et là, miracle !, je tombe sur une perle ! De la perle de concours, du joyau maousse qui fait classe et qui attire tous les regards. Je m’explique. C’est pas durant l’émission sur la vie et l’œuvre du fils de Fernand et Jacky que j’ai eu une extase auditive, nan, c’est avant, quand sont diffusés les messages des auditeurs à propos du sujet précédents et de celui à venir. Généralement, on a droit à une apologie du jeu ou du film étudié ou à des souvenirs sur le thème du jour, parfois, une petite pique, mais sinon, c’est du tout-venant d’amateurs content qu’on parle enfin de leur objet fétiche. Hé ben là, après les panégyriques sur ce qui précédait, il y a eu le message d’un Vrai Homme de Gauche, tout chiffon qu’il était de savoir que sur France Inter, on allait consacrer une à Sardou. Oh, la vache, le mec, il était au bord de la crise de nerf, avec des arguments tout moisis et une colère histrionique en parfait état de marche. Pour être bien sûr, j’ai réécouté ce passage, mais non, je ne me gourais pas, tel un Torquemada des ondes FM, l’auditeur fâché gueulait à s’en faire péter les cordes vocales, il vociférait en plus qu’un catho tradi invité à un mariage gay, il râlait plus qu’une gauchiste à un pince-fesse du MEDEF. La bonne gueule ! Tout ça parce que le Michel, c’est un chanteur de Droite.

Ca, c’est sûr, Sardou, ça n’a jamais été un compagnon de route du PC. Ni du PS. Pas même des Radicaux de Gauche. Faudrait être très fort pour le classer à Gauche, même si les mecs de la CGT des chantiers navals du Havre avaient adoré sa chanson sur le France, et qu’il a chanté Lénine, ce qui prouve que rien n’est simple en ce bas-monde, pas même Michel Sardou. Donc, c’est bien un chanteur de Droite. Mais, franchement, à côté de Jean-Pax Mefret, il passerait pour un joyeux hippie gauchiste. Comment ça, vous ne connaissez pas Jean-Pax Mefret, le chanteur préféré de la Légion Étrangère ? Bon, comment dire ? Meffret est à la Droite, voire à la Droite de la Droite ce que Ferrat était à la Gauche. Sans le même talent. Ni le même goût pour la littérature. Ni l’amitié de Drucker. Ni la moustache avantageuse. Faut aimer. Encore que ce ne soit pas obligatoire. Vraiment pas.

Et moi, ce qui me fait me marrer, c’est la réaction de l’auditeur, sûr de son bon droit d’homme de Gauche. Franchement, comme je l’ai dit plus haut, je me passe très bien de la diffusion de Sardou sur Inter. Mais de là à se faire une poussée de tension parce qu’une émission consacre une heure dans l’année à ce chanteur, faut vraiment avoir la boussole politique qui déconne à pleins tubes ! Si chaque fois qu’un humouriste de Gauche tient un propos gauchiste sur les ondes publiques, un auditeur de Droite d’Inter – doit y en avoir, pas des masses, certes, mais doit y en avoir – faisait un arrêt cardiaque, y aurait une sacrée hécatombe au quotidien. Le plus drôle dans tout ça, c’est que Sigrist, l’animateur de l’émission, se demandait dans son intro si ne pas aimer Sardou ne serait pas l’un des derniers marqueurs de Gauche. Ben, il l’a, sa réponse.

Voilà, c’est pas que je m’ennuie, mais, j’ai à faire, je vous laisse, je dois aller écouter le dernier album des Chœurs de l’Armée Rouge, pour ne pas perdre mes derniers amis de Gauche.

Naaan, j’déconne.

Je vais écouter du rock’n’roll, comme toujours.

Par Naqdimon Weil

Par Naqdimon Weil

Naqdimon Weil est rédacteur. Il est aussi chroniqueur. Il est surtout social-démocrate universaliste, laïcard et sioniste. Il est gravement quinquagénaire et profondément provincial. Et, évidemment, il est dans le Coq.
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