Les Viviant et les Morts

par | 20 Oct 2020

L’assassinat effroyable d’un professeur d’histoire, énième victime d’une guerre qui ne dit pas son nom et que nous ont déclarée les fanatiques islamistes, nous a de nouveau plongé dans la stupeur, les tremblements, la colère et les larmes.

Heureusement, des messages forts et courageux se sont fait entendre: Xavier Bertrand, aspirant Président demi-sel, nous a indiqué être pour une énergique «modification de la Constitution par référendum» pour y inclure la laïcité, l’étourdi ayant oublié que ce principe y figure déjà en son article 1er, Emanuel Macron a tonitrué qu’«ils ne passeront pas» (ou alors peut-être un peu plus tard, en fin de soirée), Audrey Pulvar, qui ne nous avait pourtant pas habitués à l’apologie de la violence, nous a préconisé d’utiliser des armes dont la létalité est telle que proscrite par la Convention de Genève: «Ce soir, à 21h, soyons nombreux à allumer une bougie et rendre hommage à Samuel Paty», Jean-Michel Aphatie, taquin, nous a intimé de  «garder la tête froide», omettant de nous dire s’il fallait séparer l’homme du professeur, Michèle de Vaucouleurs, esprit bovin et bien terne députée du Modem, a immédiatement pris la mesure des responsabilités de chacun, en signalant que Samuel Paty  «avait eu apparemment une mauvaise idée, en demandant à des élèves musulmans de sortir de la classe s’ils devaient être choqués», et Arnaud Viviant, faisant tomber le masque et trempant sa plume dans la bêtise la plus crasse, a imputé cet acte de barbarie au fait que «tant que ce pays […] confondra la liberté d’expression et le droit au blasphème, il y aura sans cesse des morts atroces sur son territoire».

Bien sûr, pansement immédiat à nos cœurs endeuillés, un rassemblement sous forme de cluster laïque et citoyen a été organisé pour manifester notre colère et notre engagement aux valeurs de la place de la République – même si la présence de quelques figures notoires nageant dans les eaux troubles de la lutte contre l’islamophobie a pu faire penser à certains qu’au prochain rassemblement de lutte pour la protection de l’enfance, il nous faudra penser à convier Michel Fourniret.

Mais enfin, ce meurtre terroriste n’est pas le plus dangereux pour la nation. Ici et là, il se dit que la France est aujourd’hui une dictature. Ce qui est plus grave, c’est l’atteinte à nos libertés publiques. Je le sais notamment pour l’avoir lu à grand renfort de collages sur les murs «Apres le couvre-feu, la déportation?», en traversant Paris, ma valise à la main pour aller acheter du jambon au marché noir, ah non, pardon, au marché des Enfants Rouges (et vous avouerez, torture ou pas, qu’à 50 €/kg, même Jambier n’aurait pas osé).

Rendez-vous compte ! Pour retarder le dernier souffle de nos grabataires branlants, pour préserver le souffle court de nos obèses suants, pour éviter l’apoplexie de nos quadras égoïstes, pour limiter l’encombrement des bronches et des Urgences, pour ménager les surmenés hospitaliers, il nous faut renoncer (certes temporairement, mais ne commencez pas à chipoter, 6 semaines c’est long quand on a déjà éclusé tous les épisodes d’Emily in Paris et les redifs des Marseillais contre le reste des Cons) à nos activités les plus essentielles: siroter un Mojito-papaye en roof top, dîner d’un buddha bowl trop cher (même pas cher, ça l’est déjà trop), ou encore s’entasser à 12 sur les deux mètres carré d’un balcon haussmannien pour fumer une clope lors d’une soirée mondaine.

C’est à n’en pas douter le retour des heures les plus sombres – et n’allez pas me dire que c’est à cause des jours qui raccourcissent, et bientôt, un malheur n’arrivant jamais seul, l’avènement du pacte Germano-Pratin, de la seconde bataille du p’tit Somme, et de la Rafle des Velib’

Par Myriam

Par Myriam

Passionnée de nature et de vie sauvage, Myriam a rejoint l'équipe de rédaction en pensant intégrer une revue prestigieuse sur les gallinacées en voie d'extinction. Réalisant son erreur, elle a quand même souhaité rester avec ces drôles d'oiseaux. Même quand elle n'a rien à dire, elle le dit quand même, avec un aplomb qui n'a d'égal que celui dans l'aile du Parti Socialiste. Caution féminine des plumes du Coq, elle n'hésite pas à abuser de ce privilège, et arrêtera de le faire quand les poules n'auront plus la dent dure.
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