Lisztomanias de Châteauroux

par | 8 Jan 2024

«Sur cinq soirées, deux sont très bien. Les autres, ce n’est pas loin d’être catastrophique.» 

Ca, ce sont les paroles que s’est permis de proférer l’adjoint à la culture de la ville de Châteauroux à propos des «Lisztomanias» 2023.

Un dénommé Jean-François Mémin, (pas sur mes hanches, merci.) Qui, à mon avis, n’y met pas souvent les oreilles.

Mais «les Lisztomanias, au fait, c’est quoi?», te poses-tu la question, car peut-être fais-tu partie des rares qui l’ignorent encore encore avant la lecture de ce papier, (et tu as bien tort, même si je vais m’efforcer de combler cette lacune.)

Les «Lisztomanias», c’est un festival en hommage à l’immense pianiste, compositeur, chef d’orchestre, penseur et humaniste hongrois Franz Liszt, créé à Châteauroux en 2002 par le formidable écrivain, philosophe, éditeur et, donc, organisateur de festivals Jean-Yves Clément. Qui s’occupe également du festival de Nohant depuis 1995, où absolument tout ce que la planète compte comme immenses pianistes classiques a eu le plaisir de se produire.

Pour mémoire, l’idée des «Lisztomanias» ne date pas d’hier, puisque le 30 mai 1844, Franz Liszt écrivait à George Sand la phrase suivante: «si, au mois d’août, vous étiez encore à Nohant, nous pourrions réaliser notre ancien projet de festival à Châteauroux.»

Pendant la troisième semaine d’octobre de chaque année, (et également les mois de juin et de Juillet), le Berry sud et Châteauroux deviennent donc une capitale internationale du piano. Et notre préfecture de l’Indre n’est célèbre aux yeux d’énormément de mélomanes, et pas seulement, n’en déplaise peut-être à nos édiles locaux), que par ce biais, relayé sur les grands media musicaux comme par exemple «Diapason» et «France-musique», (où Jean-Yves est également contributeur d’émissions.)

Mais, au-delà de ces cinq concerts du soir,  les Lisztomanias, ce sont aussi une académie d’interprétations pour des jeunes solistes déjà professionnels qui seront les stars du clavier de demain. Ce sont aussi des conférences et des concerts en journées, des cafés-concert à 18 heures, géniales idées de Jean-Yves Clément qui font que tous les publics et artistes se côtoient pendant cinq jours, créant une sorte de ciment à la fois culturel et convivial entre toutes sortes de populations. Cest aussi le drainage d’encore d’autres gens pas le biais des «Lisztomanias humanitaires», chapeautées par Aurélia, l’épouse de JeanYves, qui, avec le formidable pianiste Jean-Baptiste Doulcet, font vivre aussi cette facette importante de Franz Liszt. 

Il faut vivre cet évènement «en immersion», (expression à la mode, mille excuses, mais qui prend ici tout son sens), pour en prendre totalement conscience.

Hé bien figurez-vous que la municipalité de Châteauroux, en guise de vœux de bonne année et de gratitude envers Jean-Yves, (oui, je le redis, c’est à lui qu’on doit ces moments de grâce), décide d’en réduire d’un cinquième la subvention, qui passe ainsi de 50.000 à 40.000 Euros. Avec comme arguments massue de monsier Mémin: «j’espère que cette baisse peut servir d’électrochoc pour revoir le modèle.»

Revoir le modèle? Ca veut dire quoi ? Inviter Sofiane Pamart et Chilly Gonzalès pour assassiner les esgourdes du spectateur, et faire plus peuple et plus de monde à ces deux merveilleux concerts auxquels j’ai assisté, et que tu trouves «catastrophiques» parce que tu confonds fauteuils remplis et émotions esthétiques comblées? Remplacer la «masterclasse» de Bruno Rigutto, tous les matins du festival, par une épreuve de tir? 

Car oui, chère lectrice, tu auras tout compris en apprenant que Châteauroux est ville olympique pour cette discipline, au sujet de laquelle on se demande bien chez quels blaireaux le claquement des culasses peut provoquer des émotions plus intenses que l’écoute des arabesques virevoltantes de la sonate en si mineur de Liszt …

Je laisse la parole pour finir à monsieur Mémin (dans la tronche?) «Ca se résume à cinq jours de festival. En dehors de ces cinq jours, il n’y a pas d’autre résonance.»

Mémin, tu raisonnes vraiment comme un tambour.

Pauvre monde …

(Et un grand merci évidemment à tous les bénévoles, indispensables à la bonne tenue de ce festival.)

Par Christophe Sibille

Par Christophe Sibille

Christophe Sibille a enseigné la musique à de futurs instituteurs durant 32 ans. Il a aussi écrit des brèves pour plusieurs journaux satiriques ou humoristiques dont Charlie Hebdo. Dans les années 80-90, il accompagna le duo Font et Val au piano. Il anime sur Radio Balistiq l'émission "Le Balistiq café" tous les jeudi 19 heures
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